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Interview d’un médecin légiste

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Message par Doomsday Dim 25 Aoû - 23:01

Interview d’un médecin légiste  Sapanet01ban

Source de l'article en deux parties:
http://www.tuezlestous.com/2013/01/interview-dun-medecin-legiste-partie-1-12367/

En avril 2012, nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec un véritable médecin légiste afin de mieux comprendre ce qu’il se passe lorsqu’un individu décède et surtout de confronter cette dure réalité avec la fiction fantasmée des zombies morts-vivants. Cet entretien fleuve avec le docteur Sapanet va donc vous dévoiler en profondeur tous les mécanismes physiques des premiers instants de la mort jusqu’à la décomposition complète d’un cadavre. Dans une seconde partie, nous confronterons ensuite ces éléments avec les images habituellement retenues dans les œuvres de fiction zombies.

Avant de vous laisser à votre lecture, nous vous alertons néanmoins sur la dureté du sujet. La lecture est donc déconseillée aux plus jeunes ou à nos lecteurs les plus sensibles. Il n’y a aucune image dans l’article mais certains propos peuvent être un peu déstabilisants, surtout pour cette première partie.




TuezLesTous – Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous vous laissons vous présenter.


Autres chroniques d'un médecin légisteMichel Sapanet – Je suis médecin légiste et je dirige l’institut régional de médecine légale de la région Poitou Charente, c’est-à-dire quatre départements. En dehors de mes activités universitaires et de médecine légale, j’écris aussi des livres grand public consacrés aux chroniques d’un médecin légiste.

NDLR : Trois tomes ont été publiés à ce jour – Chroniques d’un médecin légiste (2009), Les nouvelles chroniques d’un médecin légiste (2011), Autres Chroniques d’un médecin légiste (2012).

Dans quel cas intervenez-vous en tant que médecin légiste ?

On intervient dans toutes les morts dont l’origine est à déterminer et qui pourrait être suspecte. C’est-à-dire qui pourrait être la conséquence de l’action d’un tiers. Cela comprend les morts criminelles, les décès liés à des délits et des décès naturels mais qui ont un aspect suspect. Dans le cadre de ces décès, il y a ouverture d’une enquête judiciaire, sous la direction du Procureur de la République et l’autopsie rentre dans ce cadre là. Il y a toujours une action judiciaire à l’origine de l’intervention d’un médecin légiste. Je ne m’occupe donc pas des autopsies dites “scientifiques”.

PARTIE 1 – REALITE

Avant de commencer à parler des conséquences de la mort, il nous paraît essentiel de définir ce qu’est la mort. Dès lors, comment détermine-t-on qu’un individu est décédé ?

Le préalable d’une investigation médico-légale c’est le diagnostic de la mort.

Classiquement, un médecin généraliste va procéder à un diagnostic en recherchant des “signes de vie” notamment des signes de conscience, une activité respiratoire, une activité cardiaque et des réflexes neurologiques. C’est l’absence de ces signes et leur association qui conduisent à déclarer une personne comme décédée. Cette mort est ensuite confirmée par des “signes positifs de la mort” qui sont les premières manifestations d’un corps qui commence sa décomposition.

Ce diagnostic n’est pas toujours simple. En effet, l’absence de conscience et des activités respiratoires et cardiaques ralenties peuvent donner l’apparence de la mort alors que la personne est en fait bien en vie. Cela peut être le cas dans certaines noyades ou au tout début d’une pendaison. Cela explique d’ailleurs que l’on tente toujours des méthodes de réanimation tant que l’on n’est pas sûr que la personne soit décédée.

Revenons sur les signes de vie, qu’est ce que la perte de conscience ?

Cela revient à dire qu’il n’y a “plus de son et plus d’image”. La personne est privée de ses sens elle ne communique plus et n’a que peu ou plus de réactions quand on la stimule. Pourtant la personne peut être en vie, son corps fonctionne, mais elle est inconsciente. C’est le cas dans le coma. Il y a plusieurs stade de coma avec notamment dans ses formes les plus graves une absence totale de réactions bien que la personne ne soit pas morte, on appelle ça communément “le coma végétatif”, bien que ce terme ne soit plus utilisé aujourd’hui par le corps médical.

Peut-on ramener ça à la “mort cérébrale” ?

Non, à la différence du coma, dans le cadre de la mort cérébrale la personne est déclarée comme morte. Cet état est d’ailleurs transposé à une réalité juridique et le législateur a clairement encadré les circonstances de déclaration de la “mort cérébrale”.

Dans la mort cérébrale, le cerveau est détruit sans qu’il n’existe aucun moyen de le refaire fonctionner, même partiellement. Malgré ça, le corps, lui, continue à fonctionner, notamment en réanimation à l’aide de machines. Ainsi, pour diagnostiquer une mort cérébrale on doit mesurer l’activité électrique dans le cerveau avec un premier électro-encéphalogramme sans activité pendant 30 minutes puis un nouveau 4 heures plus tard. Toutefois, pour éviter toute erreur, il faut que le diagnostic soit réalisé sans que le patient ait reçu de drogues (médicament ou drogue au sens commun) et il ne faut pas qu’il souffre d’hypothermie. En effet, les drogues peuvent artificiellement ralentir l’activité du cerveau, de même pour l’hypothermie qui met naturellement le cerveau “en veille”, notamment dans les cas les plus graves.

Le deuxième moyen diagnostique d’une mort cérébrale c’est l’artériographie cérébrale. On fait passer un produit de contraste dans le circuit vasculaire du cerveau et on constate qu’il n’y a aucune vascularisation, donc que le sang ne circule plus dans le cerveau.

Mais le cœur peut continuer à battre ?

Tout à fait, dans le cas d’une mort cérébrale le cœur peut garder son activité automatique et faire circuler le sang dans le corps. Il y a un automatisme qui est intrinsèque à l’organe, sous contrôle partiel de la moelle épinière. Il s’agit d’un système archaïque et primitif qui est essentiel à notre survie puisqu’il détache le fonctionnement du cœur de notre conscience et de notre volonté. C’est d’ailleurs plus sûr puisque comme cela on ne risque pas d’oublier de faire battre notre cœur.

Le cœur peut donc battre ainsi un certain temps, notamment tant que le système hormonal continue à fonctionner. Le coeur s’arrêtera du fait d’un dysfonctionnement généralisé du corps car même si les organes sont préservés par le maintien de la circulation sanguine, cela ne dure qu’un certain temps. En effet, le cerveau est indispensable au fonctionnement du reste du corps, notamment car il contrôle la production des hormones qui sont essentielles pour faire fonctionner les organes. Ainsi, dans le cadre d’une mort cérébrale, même si le cœur continue à battre, on constate à partir de quelques jours une défaillance de tous les organes. C’est d’ailleurs la grande différence avec le coma végétatif où seule la communication ne se fait plus mais le cerveau continue à faire tourner le corps.

Il faut ainsi se dire que la mort n’est pas un “instant”, c’est plutôt un “temps” qui est de durée variable selon la cause du décès. On a donc le temps du cerveau, le temps des organes, des os, etc.

Et qu’en est-il de la respiration ? Le corps a également besoin d’oxygène.

Évidemment, le défaut d’oxygène dans le sang engendre l’arrêt du corps. Mais chaque organe a sa propre autonomie par rapport à l’absence d’oxygène. Par exemple, le cerveau a une durée d’autonomie très courte de quelques dizaines de secondes, au-delà l’organe subit des lésions jusqu’à être totalement détruit. Mais il est aussi sensible au manque de sucre.

Vous retrouvez tous ces mécanismes de bases lors d’un massage cardiaque. On compense l’absence de battements du cœur en le comprimant pour faire repartir le sang et la circulation sanguine. La pression ainsi réalisée ne sera pas suffisante pour envoyer le sang jusqu’aux doigts de pieds mais doit permettre de relancer la circulation cérébrale et respiratoire. Mais si vous ne rajoutez pas d’oxygène, cela ne servira à rien, on associe donc un apport en oxygène (bouche à bouche, intubation, etc). L’association des deux fait circuler le sang qui transporte l’oxygène pour tenter de faire repartir la machine.

On ne peut donc pas donner de temps durant lequel on peut relancer les différents organes, cela dépend de la cause de l’arrêt de la machine, et de comment le corps est réanimé.

Si les signes de vie sont absents, on passe donc à des signes positifs de mort. De quoi s’agit-il ?

Les premiers signes positifs de mort apparaissent à peu près de manière simultanée mais sont toutefois dépendants du climat, du mécanisme du décès, de la personne, etc. Ces premiers signes sont de trois sortes : un refroidissement du corps, l’apparition des lividités cadavériques et la rigidité cadavérique.

Le plus perceptible et le plus précoce c’est le “refroidissement”, qui est un mauvais terme puisque le corps peut se réchauffer si l’environnement est chaud. Il s’agit en fait de la modification de la température du corps jusqu’à être équilibré avec son environnement. Pour information, la température normale d’un être humain en vie est de 37°, au-delà de 42° le corps est dans un risque de mort certain. Pour les hypothermies, à partir de 30° cela devient grave. La température corporelle est gérée par notre cerveau “profond”, donc son absence de régulation est le signe d’un cerveau détruit.

Ensuite, on a les lividités cadavériques, mais là aussi c’est aussi un mauvais terme puisque le teint n’est pas “livide” mais plutôt lie-de-vin, c’est-à-dire entre le rose, le rouge et le violet. C’est un ensemble de mécanismes qui aboutissent, sous l’action de l’apesanteur et de l’absence de circulation sanguine, à la sédimentation des globules rouges et des autres fluides présents dans le corps. Cette sédimentation est favorisée par le fait que les vaisseaux sanguins ne sont plus imperméables et laissent passer les liquides qu’ils transportent. Ce changement de caractéristique est lié à la mort des cellules des vaisseaux sanguins. Chaque cellule du corps fabrique sa propre énergie à partir d’une source d’énergie (généralement le glucose) et d’oxygène. Si la cellule est privée d’un de ces éléments, elle meurt.

Donc les fluides, et notamment le sang, suintent des vaisseaux et sédimentent sous l’action de l’apesanteur. Il apparaît alors des taches colorées, les lividités, dans les régions du corps les plus basses. Ainsi si la personne est pendue par les pieds, des lividités rouges apparaîtront au niveau de la tête et du haut du torse, le reste du corps sera pâle. Par contre les lividités n’apparaissent pas là où il y a un point de pression car ces points chassent les fluides (par exemple un bracelet de montre ou une ceinture).

Les lividités peuvent également se modifier, dans un certain délai, si on déplace le corps, mais à terme elles se fixent.

La rigidité cadavérique est aussi liée à la mort des cellules, mais cette fois des cellules musculaires. Pour faire simple, un muscle est composé de fibres qui s’écartent sous l’action de l’oxygène et du glucose. Pour facilement s’imaginer ce qu’est la rigidité cadavérique, il faut concevoir ça comme une crampe, mais de tous les muscles du corps. Par contre la rigidité cadavérique est uniquement due aux muscles et aucunement aux tendons ou au squelette.

Le délai d’apparition est variable et commence par les muscles les plus toniques et progresse généralement du haut du corps vers le bas. Dans un premier temps vous pouvez la rompre facilement et elle reviendra, plus tard si vous la rompez elle ne reviendra pas, et à terme elle disparaîtra après environ 48 heures.

Par la suite, on rentre dans les signes tardifs de mort et le début de la putréfaction.

Pour imaginer ce qu’est la putréfaction, on peut comparer ça au devenir du lait à partir du moment où on en fait du fromage. Ce sont des transformations biochimiques qui auront des conséquences sur l’aspect des organes.

Généralement la première image de la putréfaction à apparaître, c’est une tâche verte-bleue sur le coté droit de l’abdomen, là où se trouve le cæcum. Cette tâche est due à la macération et à la prolifération des germes dans cette région, accompagné d’un passage à travers les muscles et la peau des colorants des selles de couleur brunâtre qui vont migrer en surface.

Également, on peut constater une circulation posthume avec une redistribution des masses sanguines sous l’effet de la poussée des gaz abdominaux, provoquée par la prolifération des bactéries dans l’abdomen. La conséquence peut être l’apparition de tout le réseau veineux superficiel sous la forme d’un lacis brun foncé.

Par la suite, on a une dégradation généralisée du corps avec la dégradation des protéines, la liquéfaction des graisses, etc. La peau également se dégrade et en pourrissant elle devient noire/verte. La graisse qui se liquéfie devient un liquide jaune transparent, parfois elle constitue de grosses bulles dorées du plus bel effet sur le fond noir/vert de la peau en décomposition.

A ce moment là également apparaissent les odeurs avec une gamme très vaste, comme pour les fromages. L’odeur est puissante et attire rapidement les insectes.

Quels organes se décomposent le plus vite ?

La rate, le foie et le cerveau se dégrade très rapidement, puis les poumons. Pour le reste c’est plus long. Les yeux par exemple deviennent verts et sortent de leurs orbites du fait de la pression dans la boite crânienne. Par contre les yeux en tant que tel ne gonflent pas, ils se contentent de sortir de leur orbite, les paupières passent presque derrière les globes. En plus les yeux divergent puisqu’ils ne sont plus maintenus dans leur axe par les muscles. Mais ils peuvent aussi se rétracter dans leur orbite.

La langue gonfle et les liquides de putréfaction sortent par les orifices naturels (bouche, nez, anus, etc) et se répandent. Au fur et à mesure tous les organes vont fondre et devenir une masse. A l’extérieur, les tissus se dégradent également et vont finir par partir en lambeaux de chair putréfiée, suintante, de couleur verte/noire. Les tissus vont s’affaisser et mettre alors à jour par exemple la cage thoracique et de contenu de l’abdomen.

Quel rôle jouent les insectes dans la décomposition ?

La pullulation des insectes peut durer deux ans ou plus. Ils arrivent par escouade car chaque type d’insecte est attiré par une odeur particulière qui correspond à un stade de putréfaction bien défini. Cela commence avec les mouches et ça finit avec les scarabées, enfin, pour ce qui est de la France métropolitaine.

Les insectes pondent sur les cadavres, les larves se mettent à l’abri de la lumière sous la peau puis sortent une fois qu’elles ont fait leur mue. On retrouve ainsi des masses d’asticots, notamment sous la peau avec des décollements cutanées de la taille d’un demi-pamplemousse rempli d’asticots.

Est-ce que les cheveux et les ongles poussent après la mort ?

On va tordre le cou à une légende, les poils ne poussent pas après la mort. Le bulbe pileux a une certaine durée de vie lors de la mort du corps, mais privé d’oxygène et de glucose, il va arrêter de produire. Donc le poil ne pousse pas, par contre la peau peut se déshydrater et se rétracter laissant apparaître la racine du poil. Qui plus est, les poils perdent très rapidement leur attache naturelle avec le cuir chevelu, donc dès que vous touchez des cheveux sur une tête noire de putréfaction, ils sen détachent en touffes.

C’est la même chose pour les dents, elles sont tenues par leurs racines et surtout des ligaments. Certaines dents n’ont qu’une seule racine en forme de carotte, dans ce cas, une fois que les ligaments disparaissent, la dent peut se décrocher du maxillaire. Il arrive d’ailleurs qu’une dent finisse par se faire transporter involontairement par la masse des asticots et qu’on la retrouve à distance de la tête.

Les ongles non plus ne poussent plus après la mort. Par contre ils peuvent tomber ou plutôt c’est la peau autour de l’ongle qui se détache. Par exemple, avec un corps immergé, la peau des doigts peut partir comme des gants que l’on enlève.

Par contre, si un corps se momifie, là les cheveux resteront sur le corps, mais c’est un cas particulier. Une momie c’est la conservation des tissus par un mécanisme de déshydratation ou par un mécanisme de transformation des graisses en savon (pas pour se laver, mais au sens chimique du terme), c’est ce qu’on appelle la saponification des graisses. Dans ce cas, les insectes font beaucoup moins de dégâts et les corps peuvent être parfaitement conservés.

Combien de temps peut prendre la décomposition totale jusqu’aux os ?

Sous nos latitudes, cela peut prendre entre un an et 18 mois, mais ça peut être beaucoup plus rapide. Par exemple avec un climat chaud et humide qui favorise la prolifération des insectes, en 15 jours le cadavre est putréfié en une masse visqueuse et noire.

- – Fin de la première partie – -


Dernière édition par Doomsday le Dim 25 Aoû - 23:08, édité 1 fois
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Interview d’un médecin légiste  Empty Interview d’un médecin légiste – Partie 2

Message par Doomsday Dim 25 Aoû - 23:07

Interview d’un médecin légiste  Sapanet02ban

On continue donc notre intretien fleuve avec le docteur Sapanet et pour cette deuxième partie nous allons confronter le mythe avec la dure réalité qui ne rigole pas. Alors le zombie, on croit qu’on va se taper un marathon et bouffer des kilos de barbaque ? on va voir ça. Et si vous avez raté la première partie, ça se passe ici.


PARTIE 2 – FICTION

TuezLesTous – Est-il possible qu’un cadavre revienne à la vie ?

M Sapanet - Cela peut arriver s’il y a eu une erreur de diagnostic et que l’on a déclaré décédée une personne qui ne l’était pas (c’est quand même exceptionnel). Par contre, si on part du principe que la personne est véritablement morte, comme on vient de le décrire, en l’état actuel de nos connaissances, il est impossible de ressusciter un cadavre. Notons cependant que récemment une équipe de chercheur a fait revivre des cellules d’un cadavre vieux de 17 jours (NDLR – voir cet article sur le sujet) !

Dans la mythologie on estime également qu’un zombie peut être tué uniquement en détruisant son cerveau, or on a vu que le cerveau se détruisait tout seul.

Ah oui, il faut tuer le cerveau, mais le cerveau est déjà liquide ! Cela dit il arrive parfois que l’on retrouve des cerveaux parfaitement conservés, la putréfaction c’est un peu hasardeux.

On peut aussi imaginer que suite à la mort, on refasse marcher le cerveau mais uniquement en partie. Pourrait-on imaginer qu’une personne vive tout en étant privée de ses fonctions supérieures ?

La conscience d’un être humain constitue les fonctions supérieures du cerveau, c’est ce qui fait la vie de relation, ce qui définit l’homme, elle est par exemple absente dans le cas d’un coma végétatif.

Ce serait un handicap lourd avec une personne privée de ses fonctions cognitives, qui serait incapable de dialoguer, de comprendre, d’apprendre, toutes ces fonctions qui nous servent dans la vie de tous les jours. Si on est privé de ça, forcément, on est très limité. On peut rapprocher cette situation de certains traumatismes crâniens graves où on a une conservation des possibilités de déplacement, la personne est apte à tout faire mais intellectuellement parlant elle ne peut rien faire.

Quelles régions pourraient être suffisantes pour “vivre” ?

On peut dire que le cerveau a des strates. Le cerveau primitif, c’est le cerveau reptilien qui fonctionne quasiment par automatismes sans véritable conscience évoluée. On peut imaginer que le zombie maintient ce genre de capacités de bases avec des réflexes d’attaques, de défenses et de fuite selon les dangers.

Étonnamment, le réflexe de fuite n’est jamais abordé dans la mythologie zombie.

La fuite, c’est un mécanisme de survie primitif essentiel que l’homme a oublié. C’est pour ça qu’on a autant de morts : face à une agression, les gens n’ont plus la sensation de danger et choisissent trop souvent l’affrontement plutôt que la fuite.

Peut-on considérer que la fuite est à la base des réflexes de l’homme ?

Non, c’est au cœur de l’animalité, ce n’est pas plus un signe d’humanité. L’animal, confronté à un prédateur, sa première réaction c’est la fuite. Au contraire, l’humain, lui, continue dans le dialogue et l’affrontement. Alors avec un cerveau altéré, difficile de dire si le réflexe de fuite réapparaîtra ou au contraire sera totalement inhibé. Il faut d’ailleurs noter qu’il y a aussi des pathologies psychiatriques d’hyper agressivité. On peut également penser que l’homme en général a tendance à être de plus en plus agressif. Nous sommes des super-prédateurs.

Si on veut rapprocher ce que vous décrivez à un zombie, on peut noter que le zombie n’ayant plus de conscience, il n’essaye pas de survivre, à la différence de l’homme qui lui se sait mortel.

Oui on peut retrouver ça, notamment avec un stade très grave et évolué de la maladie d’Alzheimer. D’un point de vue comportemental, nous avons une personne qui a perdu tous ses repères, qui est capable de parler mais oublie ce qu’elle vient de dire deux secondes après. On a notamment eu le cas d’une personne qui a quitté sa maison d’accueil et qui s’est perdue dans un champ. On a retrouvé son squelette avec à coté toutes ses affaires parfaitement rangées. Elle est partie avec l’incapacité pour elle de se repérer, de manger, etc.

On retrouvera aussi ce genre de phénomènes dans des pathologies psychiatriques, c’est du comportemental, avec des personne qui ne mangent plus, etc.

Revenons à nos cadavres, notre individu est décédé, il n’y a plus de circulation sanguine, plus de respiration, donc normalement le corps ne fonctionne plus ?

Exactement, c’est impossible en l’état, il faut donc faire abstraction de ça.

Effectivement, passons outre ce problème technique, mais qu’en est-il de la rigidité cadavérique ?

Dans un premier temps la rigidité va progressivement ralentir l’individu jusqu’à être totalement figé. D’ailleurs la rigidité en s’installant va tendre les muscles et va par exemple fermer sa bouche ce qui peut conduire à ce que la langue soit presque sectionnée si elle sortait de la bouche après le décès.

Quand la rigidité disparaît, les muscles vont se relâcher et devenir mous, la question alors est de savoir s’il va pouvoir marcher. Il risque d’avoir des mouvements beaucoup plus difficiles à exécuter, et il va avoir des problèmes de coordination.

Cela rejoint l’image habituelle du zombie mort-vivant qui marche d’un pas peu assuré.

Tout à fait. Si j’imaginais que le corps puisse marcher malgré sa mort, ce qui gênerait le zombie dans un premier temps serait la rigidité des muscles. Ensuite, ce serait au contraire leur flaccidité. Cette flaccidité poserait des problèmes pour contracter les muscles et notamment pour rester debout. Mais également, il aura besoin de sa vision pour marcher et il faut que le cerveau coordonne les mouvements et leur intensité. On peut comparer ça aux personnes qui sont atteintes de la maladie de Parkinson. Les Parkinsoniens graves ont des difficultés pour marcher car leur motricité ne suit pas. Ils commencent par faire des petits pas et en même temps leur corps part en avant. S’ils n’arrivent pas à rattraper leur équilibre en accélérant les pas, ils tombent.

Donc notre zombie aura d’autant plus de mal à courir.

Il va avoir du mal et ça va être de plus en plus difficile. Dans l’étendue de la fiction, qu’il marche avec difficulté, ça me va, qu’il courre, je n’adhère plus.

Par contre, on peut oublier les cinq sens ?

Le cerveau primitif peut gérer ces sens et cette partie du cerveau est la plus solide. Ceci dit il aura quelques problèmes. Pour la vue, cela va être difficile, la cornée reste transparente un certain temps mais va finir par devenir opaque. Pour l’odorat, le zombie va avoir un handicap majeur, c’est sa propre odeur.

Les cordes vocales ?

Le larynx est relativement bien protégé, ils vont pouvoir s’exprimer à partir du moment où il y a une ventilation et une commande. Cette commande peut être très primitive. S’il s’agit de faire du bruit, les cordes vocales suffisent. S’il s’agit d’articuler, il faut la langue et les lèvres.

Et qu’en est-il de la digestion, notamment si le système ne fonctionne plus ?

S’il avale ça ne déborderait pas. Je pense qu’il faut estimer qu’il avale et qu’il digère en partie ce qu’il mange avec l’estomac et les premiers stades de digestion, puis ensuite ça s’évacue. Car après le passage dans l’estomac, ce que vous avez mangé devient liquide, ça ne se solidifie qu’une fois dans le gros intestin. Donc on pourrait peut-être le suivre à la trace.

Un cadavre est il porteur de maladie ?

Oui, un cadavre c’est dangereux et c’est porteur de maladies. On peut retrouver la maladie du charbon (l’anthrax), les hépatites, le sida, etc. Le virus du sida par exemple peut rester actif trois semaines dans un corps. Par contre ça ne prolifère pas mais ça se conserve. On a ainsi retrouvé le virus de la grippe espagnole de 1918 potentiellement actif dans des cadavres de cette époque retrouvés en Norvège enterrés sous la glace. De même, le bacille du charbon se met en forme sporulé quand il doit se conserver. Donc si vous exhumez un corps atteint de la maladie du charbon, ce corps est hautement contagieux.

Ensuite, vous pouvez avoir des contaminations microbiennes des germes présents dans le corps, notamment des bactéries intervenant lors de la putréfaction. On peut aussi retrouver le prion, présent dans le cerveau.

Comment vous protégez-vous de ces risques ?

On a des gants anti-coupure, avec par-dessus des gants de chirurgien avec une imperméabilité temporaire aux germes. On porte également des blouses spéciales, un masque et lorsque l’on ouvre le cerveau on porte aussi un masque oculaire pour protéger les yeux des éventuelles projections.

Donc si on est mordu par un cadavre ou si on se blesse à son contact, que risque-t-on ?

Il y a un risque. Les morsures sont très dangereuses. Une morsure humaine ça s’infecte très souvent. Une griffure sera superficielle et ne fera pas entrer une quantité de germes suffisante dans les tissus, par contre une morsure c’est profond et ça atteint la graisse en dessous de la peau. Cette graisse se défend très mal contre les infections. Par exemple, les morsures de chien sur le visage s’infectent quasiment à chaque fois.

Si on prend un exemple, un survivant frappe un zombie dans sa cage thoracique et se coupe sur une côte, le pronostic ne serait pas favorable ?

Cela va peut être mal se passer, vous êtes exposé au liquide de putréfaction, aux germes, ce sont des produits très dangereux, à l’exception de la graisse liquide qui est un liquide assez pur. Cela va commencer par une grosse lymphangite avec un risque de septicémie.

Et la gangrène ?

C’est l’arrêt de la vascularisation, l’arrêt des défenses et le début de la putréfaction de l’organe touché. Vous pouvez avoir des gangrènes cervico-faciale qui sont liées par exemple à des accidents infectieux sur des irruptions de dents de sagesse.

Comme les zombies ont l’habitude de mordre dans le cou, c’est mal barré ?

C’est terrible car le cou est caractérisé par des espaces celluleux, entre les muscles, qui communiquent de la base du crâne jusqu’au thorax donc un début d’infection à cet endroit va se répandre facilement, c’est très dangereux.

Si on revient sur l’aspect du zombie, la gravité va conduire les fluides dans les jambes ?

L’action de la pesanteur va s’exercer donc les masses liquidienne vont descendre. Les jambes vont gonfler et ça va suinter. Ou alors les tissus partent en lambeaux et ça s’évacue.

Et pour les gaz de décomposition ?

Ils sont généralisés dans tout le corps, de la tête au pied avec une ampleur assez difficile à imaginer, vous pouvez doubler de volume. Ces gaz sentent mauvais mais ne sont pas dangereux sauf à des concentrations fortes.

Le fait que le mort bouge, ça peut gêner les insectes ?

Cela va les faire fuir. Un insecte ne pond pas sur quelque chose qui bouge donc ça peut préserver le cadavre.

Les morts ont-ils une expression du visage ?

Il a l’expression qu’on lui donne, c’est le fantasme sur le regard, le visage apaisé ou qui souffre. Toutefois, cette expression ne s’inscrit pas dans les derniers moments de la vie. Donc l’expression vient du visage figé et du regard vide et ça dépend de chaque mort.

Passons à l’ultime test, je vais vous montrer des photos tirées d’oeuvres zombies afin que vous les analysiez avec votre oeil de médecin légiste.

Interview d’un médecin légiste  01ZombiesRomero

Films de Romero : Ils ont tous l’air bien trop vivants. Ils ont des problèmes de santé, on le voit à la couleur de leurs teints, mais ils n’ont pas le teint de personnes mortes. La couleur est trop uniforme pour ça. Le zombie de Day of the Dead est un peu mieux, notamment pour les yeux et les lèvres. Le coté gonflé des lèvres est pas mal, par contre ses yeux devraient être verts.

Pour un bon exemple de teint, il faut voir le premier mort dans le film Seven, l’obèse dans son assiette de pâtes.

Interview d’un médecin légiste  02zombiesDeadSnow

Dead Snow : C’est mieux, le visage suinte, il manque des morceaux de lèvres, la peau est putréfiée, par contre le nez est trop beau.

Interview d’un médecin légiste  03zombiesWD1
Interview d’un médecin légiste  04zombiesWD2
Interview d’un médecin légiste  05zombiesWD3

Walking Dead : Le premier est en très bon état, il a le blanc de l’œil rouge, vous avez ça si vous prenez du gaz lacrymogène dans les yeux. Comme il n’y a pas d’hématome autour des yeux, ça ne peut pas venir d’une blessure. Ensuite il a un nez et une peau en très bon état, il n’a pas un teint d’une personne en bonne santé, mais s’il fumait et buvait moins ça irait mieux. Mais surtout il a une grosse plaie en cicatrisation, c’est bien rouge alors que ça aurait du être verdâtre et creusant.

Ah voila, la seconde photo, ça c’est très bien, ça c’est un corps putréfié. Tout est bon à part le regard. On a une putréfaction dissociée avec une partie séchée et une putréfiée. Par contre à ce stade là, la peau ne part pas toute seule, il faudrait des asticots. L’ouverture de la cage thoracique, les lambeaux, c’est très bien. Par contre la main est trop bien préservée.

Pour la troisième photo, mouais, alors elle a une grosse maladie hépatique car elle a les yeux jaunes sauf que la peau ne l’est pas, donc c’est incohérent. C’est une vivante mal foutue et je ne comprends pas bien ce qui lui est arrivé. Les yeux sont gros mais ils ne sont pas exorbités. L’œil qui sort de l’orbite, ce n’est pas ça, c’est pire que ça. Et la peau dans ce cas n’est pas de cette couleur, elle est verte et les yeux aussi.

Interview d’un médecin légiste  06zombiesfulci-150x150Interview d’un médecin légiste  07zombiescholet-150x150

Zombi Fulci : Ah ça c’est très bien, à part qu’on ne retrouverait pas ce genre de vers dans l’œil. Là, c’est un mec sorti d’une noyade.

BD Zombies dessiné par Sophian Cholet : Essentiellement on a des gens qui ont des lésions cutanées. Pour moi ils ne sont pas forcément morts, mais ils ne sont pas en décomposition. Là ils ont plus l’aspect de gens atteints par des caustiques chimiques qui rongent les parties molles et dévoilent le squelette.

C’est marrant, ces images se veulent horribles, mais vous êtes très loin de la réalité. Je n’emmène que des professionnels en salle d’autopsie et j’en ai régulièrement qui craquent. De même des étudiants-légistes en formation pètent un câble et arrêtent le métier. La pression psychologique est énorme. D’ailleurs, quand vous êtes légistes, les images et les odeurs peuvent vous rattraper à n’importe quel moment. En plein repas, par exemple. Vous êtes en vacances, le serveur vous apporte le plat typique que vous avez commandé, du stockfish, vous prenez votre assiette, vous fermez les yeux et vous humez. Et là, horreur ! Le cadavre du puits vous saute aux yeux, comme un zombie, celui qui avait séjourné deux ans dans l’eau avant son autopsie et qui avait la même odeur…

– FIN DE LA DEUXIEME PARTIE –

Si vous avez aimé ces histoires de cadavres, on vous conseille d’aller vous procurer les ouvrages du Docteur Sapanet qui regorgent d’histoires insolites, vues sous le scalpel d’un médecin légiste.

Trois tomes ont été publiés à ce jour : Chroniques d’un médecin légiste (2009), Les nouvelles chroniques d’un médecin légiste (2011), Autres Chroniques d’un médecin légiste (2012).

Interview réalisée au CHU de Poitiers en avril 2011.

Source:
http://www.tuezlestous.com/2013/01/interview-dun-medecin-legiste-partie-2-12368/
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